Panorama 3Versailles après le roi Soleil

"Il se tue à la tâche !"

Où l'on rencontre un artiste qui se couche trois ans.

François Lemoyne, L'Apothéose d'Hercule, plafond du salon d'Hercule, 1731-1736, Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon © RMN-GP (Château de Versailles) / © Gérard Blot / Hervé Lewandowski

Juin 1737. Le peintre Lemoyne met fin à ses jours. À Versailles, c'est l'incompréhension. Il vient d’achever le plafond du salon d'Hercule. Un vrai triomphe ! Le roi lui a d’ailleurs décerné le titre de premier peintre. Pourtant, c'est ce plafond qui a causé sa perte...

Commandé par Louis XV, c’est un chantier colossal. Lemoyne fait tout pour être à la hauteur de la mission. Au lieu de travailler tranquillement dans son atelier, il décide d’installer sa toile directement au plafond. Perché sur son échafaudage, sur le dos, il exécute plus de 140 personnages représentant l’apothéose d’Hercule, c’est-à-dire son arrivée parmi les dieux de l’Olympe. Et comme il est perfectionniste, il n’accepte que très exceptionnellement l'aide d'assistants. Il met ainsi trois ans pour terminer ce travail de titan !

Lorsque le roi découvre l’œuvre achevée, il reste figé d'admiration. Devant cette scène grandiose en trompe-l’œil, Voltaire déclare même : "Il n'y a pas en Europe de plus vaste ouvrage de peinture que le plafond de Lemoyne et je ne sais s'il y en a de plus beaux".

Les efforts de l'artiste ont payé : l'effet est saisissant. Hercule, sa massue à la main, se détache dans le ciel d'un bleu profond. Un pigment bleu si cher que le peintre est criblé de dettes. Et ces problèmes financiers ne sont rien en comparaison de la fatigue qu’il ressent et de la tristesse provoquée par le décès de son épouse... En 1737, c'en est trop ! Lemoyne se suicide de plusieurs coups d'épée. Il a payé au prix du sang l’exécution du plafond le plus impressionnant de Versailles…

Aujourd’hui encore, le plafond de Lemoyne est regardé comme un exploit artistique. D’ailleurs, pour restaurer ce chef-d’œuvre qu’il réalisa presque seul en trois ans, il fallut la collaboration de 13 restaurateurs pendant deux ans. Et pour financer ce travail de précision, la Société des Amis de Versailles a su convaincre BNP Paribas d’être mécène de ce chantier.

Redonner sa splendeur à ce plafond était légitime, car s’il est pour beaucoup dans le suicide de François Lemoyne, il lui a aussi ouvert les portes de l’immortalité au panthéon des artistes !

Le salon d'Hercule, Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, Versailles © Château de Versailles, Dist. RMN / © Thomas Garnier