“Ne me quitte pas ?”

Où l'on interprète peut-être un peu trop une sculpture.

L’Âge mûr. C’est l’une des œuvres les plus poignantes de Camille Claudel. La scène qui s’y joue est d’une tristesse bouleversante...


Une vieille femme au visage squelettique entoure de ses bras un homme. Aucun doute sur son intention : elle l’emmène avec elle. Où ? Vers la mort, bien sûr. En fait, on se dit même que cette femme repoussante EST la mort. C’est là tout le drame, en tout cas pour le troisième personnage. À genoux, cette jeune femme supplie, implore l’homme qui la quitte de rester. Cela ne sert à rien, bien sûr : Il suit sa destinée. Tôt ou tard, il faut bien mourir, non ? 

Camille Claudel, L'Âge mûr,

1899, bronze, 121 x 181 x 173 cm, Musée Rodin, Paris

© Agence photographique du musée Rodin, Jérome Manoukian

Le sujet est universel, il parle à tous ceux qui vivent le décès d’un être cher. Pourtant, certains critiques se sont empressés de lire un message bien plus autobiographique…


Pourquoi ? Parce que Claudel commence cette œuvre vers 1895, au moment de sa séparation amoureuse avec Rodin. Il n’en fallait pas plus, bien sûr, pour que certains s’amusent à faire des ponts entre la sculpture et la vie de son auteure.

Camille Claudel, L'Âge mûr,

1899, bronze, 121 x 181 x 173 cm, Musée Rodin, Paris

© Agence photographique du musée Rodin, Jérome Manoukian

Cet homme tiraillé entre deux femmes serait alors Rodin. Et la jeune femme suppliante ne serait autre que Claudel elle-même. Quant à cette horrible vieille, qui entraîne irrésistiblement l’homme… Il s’agirait de Rose Beuret, la compagne de toujours de Rodin, celle que le sculpteur ne peut se résoudre à quitter pour Camille Claudel.

Camille Claudel, L'Âge mûr,

1899, bronze, 121 x 181 x 173 cm, Musée Rodin, Paris

© Musée Rodin

En tirant jusqu’au bout leur interprétation, les critiques voient donc cette sculpture comme une vengeance de Camille contre Rose. Quelle que soit sa signification, en tout cas, L’Âge mûr est une étape importante dans la carrière de Camille Claudel. À partir de ce moment, elle prend vraiment son autonomie artistique. Loin de Rodin, la sculptrice explore de nouvelles voies. Chacun sa route !