Années 1720. Le Grand Maître de l’ordre de Malte, António Manoel de Vilhena, a une idée géniale. Pourquoi ne pas planter des orangers partout dans l’île ?

En effet, l’orange sucrée, qui provient de Chine, connaît à l’époque un grand succès partout en Europe. Elle est même en train de supplanter sa cousine amère dans les assiettes. Mais ce produit reste rare et cher. Voilà pourquoi il intéresse tant le Grand Maître... Il compte bien en faire une force pour l’économie de Malte.

Et sa stratégie fonctionne. Les nouveaux arbres s’acclimatent bien, pour le plus grand plaisir des habitants de l’île. Pour en faire la promotion, les successeurs d’António Manoel de Vilhena ont l’idée d’envoyer des oranges maltaises aux têtes couronnées. Elles font très vite la conquête du palais des élites, comme la reine Marie-Antoinette en France.

En 1780, ses belles-sœurs sont tellement emballées qu’elles décident d’acheter un verger à Malte pour cultiver ces agrumes ! Toutes les semaines, elles reçoivent deux caisses d’oranges à Versailles.

Ces fruits finissent par s’arracher au-delà des familles royales. Malte en profite pendant quelques années pour s’enrichir. Mais cela ne dure pas... Au 19e siècle, les pays du sud de l’Europe, qui sentent l’aubaine, se mettent tous à produire leurs propres agrumes : plus besoin de faire appel à l’archipel !

Aujourd’hui, les oranges, sucrées comme amères, sont toujours très cultivées à Malte mais sont réservées à la consommation locale. D’ailleurs, on les retrouve dans de nombreux produits maltais, comme la boisson nationale : le Kinnie est un soda à base de ces délicieux fruits.

Ce sont d’autres pays producteurs qui assurent maintenant l’approvisionnement des marchés du reste du monde. Mais ils continuent à honorer le lieu où tout a commencé. Leurs variétés portent le nom “d’oranges maltaises” !