Panorama 4La tornade Marie-Antoinette

En kit !

Où l’on doit tout changer en toute discrétion.

Nous sommes en 1779. Cela fait maintenant 5 ans que Marie-Antoinette est coiffée de la couronne de France. Pourtant, lorsqu’elle se choisit un ouvrage à lire, elle le fait dans les rayonnages de sa bibliothèque de dauphine. Cette pièce était parfaite pour l’épouse du prétendant au trône, d’accord… mais pour une reine de France ? Marie-Antoinette est formelle : ce décor n’est plus à la hauteur de son rang. Il faut tout changer !


Plus facile à dire qu’à faire, cependant, car la Reine impose une sérieuse contrainte : elle ne se privera pas de lecture sous prétexte de travaux. Le chantier devra avancer durant ses absences. Hélas, ses déplacements hors de Versailles ne sont pas si fréquents… Alors, comment satisfaire la souveraine ?

Joseph Siffred Duplessis, Marie-Antoinette dauphine,

1772-1773, huile sur toile, 74 x 56,5 cm, Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, Versailles

© Château de Versailles, Dist. RMN © Christophe Fouin

C’est là que le génie des artisans français entre en scène. Bien avant nos magasins de bricolage et autres enseignes de meubles à monter soi-même, ils conçoivent une bibliothèque royale en kit ! Ainsi, ils peuvent soigner le travail en atelier sur des éléments qui, une fois prêts, n’auront plus qu’à être montés dans les appartements de Marie-Antoinette. Des feuilles d’or sont par exemple appliquées sur chaque moulure sans bousculer les habitudes littéraires de la Reine.


Au fait, comment savons-nous tout cela ? Ces talentueux artisans ont laissé des indices très révélateurs que les restaurateurs ont eu récemment la surprise de découvrir en démontant la bibliothèque… Derrière le travail précis et délicat que tout le monde admirait depuis plus de deux siècles, ils ont trouvé un montage grossier.


Impossible, en effet, de fixer une porte d’armoire ou tout autre élément à distance. Ces dernières opérations se menaient chez la Reine, dans l’urgence, afin de ne pas la déranger trop longtemps.

Cette campagne de restauration que la Société des Amis de Versailles a financée n’a donc pas seulement gommé le passage du temps. En se mettant dans les pas, ou plutôt les mains des artisans du 18e siècle, les restaurateurs d’aujourd’hui ont fait un voyage dans l’histoire des savoir-faire !